Alerte sanitaire et écologique au Nord-Kivu : la maladie du charbon frappe à nouveau les hippopotames du PNVi

Une ombre inquiétante plane à nouveau sur le Parc National des Virunga (PNVI). Des cas de maladie du charbon, une zoonose potentiellement dangereuse, ont refait surface dans le secteur du lac, précisément à Lulimbi. Cette localité, située dans le groupement de Binza, territoire de Rutshuru, à la lisière du lac Édouard et de la frontière ougandaise, est le nouvel épicentre de cette crise sanitaire qui menace la faune emblématique du parc.
L’alerte a été donnée par des sources locales contactées par la Radio communautaire Raha Voice Vitshumbi. Selon leurs informations, au moins 26 hippopotames ont été retrouvés morts depuis le dimanche 6 mars 2025, victimes de cette maladie bactérienne. Face à ce bilan alarmant, les autorités locales et les acteurs de la conservation appellent à la vigilance les populations des villages environnants, notamment Vitshumbi, Nyakakoma, Lunyasenge, Kyavinyonge et Taliha, les exhortant à s’abstenir de consommer la viande de ces animaux afin de prévenir toute transmission à l’homme.
“Je suis actuellement à Lulimbi. Nous avons déjà comptabilisé 26 cadavres d’hippopotames atteints par la maladie du charbon. Hier, le chiffre était le même. Ce matin, nous avons malheureusement découvert 9 nouveaux cas de décès”, ont confié des sources sur place à la Radio communautaire Raha Voice Vitshumbi, témoignant de la rapidité de propagation de la maladie.
Cette résurgence de la maladie du charbon intervient trois ans après une précédente alerte dans la même zone. Un communiqué conjoint de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et du gouvernement provincial du Nord-Kivu, daté du 22 avril 2021, avait déjà fait état de la mort de 10 hippopotames et buffles dans la rivière Ishasha, également située dans le groupement de Binza. Le document soulignait alors le caractère récurrent de cette maladie chez les animaux, particulièrement dans la région de Lulimbi et dans le parc Queen Elizabeth voisin, en Ouganda.
Des sources proches de l’ICCN, s’exprimant sous couvert d’anonymat, indiquent qu’une équipe de vétérinaires a été dépêchée en urgence sur le terrain. Leur mission principale est de tenter de sauver les animaux déjà infectés, mais également de mettre en œuvre des mesures strictes d’isolement et de destruction des carcasses afin d’empêcher toute nouvelle contamination au sein du vaste territoire du Parc National des Virunga. “Une équipe a été envoyée par le directeur du Parc pour soigner les animaux touchés par cette maladie”, a confirmé la source.
Une menace transmissible à l’homme : Comprendre la maladie du charbon
La maladie du charbon, ou anthrax, est une infection bactérienne grave qui peut se transmettre entre les animaux et les humains. Chez les animaux, elle se manifeste souvent de manière fulgurante par une forte fièvre, des tremblements et des difficultés respiratoires, parfois sans aucun signe avant-coureur.
Chez l’homme, la maladie peut prendre différentes formes. La plus fréquente est l’anthrax cutané, caractérisé par l’apparition d’ampoules sur la peau, accompagnées de frissons, de fatigue, de vomissements et d’une gêne thoracique. Les infections pulmonaires sont plus rares, tandis que les formes méningées et gastro-intestinales sont exceptionnelles. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans une communication de juillet 2024, met en garde contre les formes d’infections par inhalation et gastro-intestinales, qui peuvent évoluer rapidement vers un état de choc et souvent entraîner la mort en quelques jours si elles ne sont pas traitées rapidement.
Tragédie écologique : Entre braconnage et épidémie
Cette nouvelle épidémie de charbon vient s’ajouter aux défis considérables auxquels est confronté le Parc National des Virunga. Depuis les années 1970, la population d’hippopotames du lac Édouard a connu un déclin dramatique de 95%, passant de 29 000 individus à un nombre bien plus restreint aujourd’hui.
Le braconnage, tragique conséquence de l’instabilité persistante dans la région, est l’une des principales causes de cette hécatombe, comme le souligne le site officiel du Parc National des Virunga.
Une étude socio-économique menée par Mikanda et Siwayitira sur le niveau de vie des communautés de pêcheurs autour du lac Édouard révèle également que le non-respect de la réglementation du Parc et l’inefficacité des mécanismes d’application ont conduit à la surpêche et à un déclin général de la population d’hippopotames.
Face à cette nouvelle crise sanitaire, l’absence de communication officielle de la part des autorités compétentes suscite l’inquiétude. Il est crucial que des mesures rapides et efficaces soient mises en place pour contenir la propagation de la maladie, protéger la faune du parc et sensibiliser les populations locales aux risques encourus. La conjugaison des menaces que représentent la maladie et le braconnage met en péril l’un des écosystèmes les plus précieux d’Afrique.
- La rédaction