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Sud-Kivu, kavumu : La coutume rétrograde, à la base de faible représentation des femmes dans les instances administratives dans le territoire de kabare.

La représentativité des femmes dans les instances administratives, reste jusqu’à nos jours un défi à relever à kavumu, Bugorhe dans le territoire de Kabare en province du Sud-Kivu.
La majorité des postes administratifs de cette entité coutumière est dirigée par les hommes, mettant à l’écart les femmes, pourtant censées être impliquées dans la gestion de ce groupement.
Selon les témoignages de plusieurs femmes rencontrées, les autorités comprennent bien l’égalité mais ne donnent toujours pas la place à la femme.
Selon Nanzige Ihanja Xaverine, responsable de l’association des femmes MAMAN TONDE TONDE, les chefs coutumiers n’ont pas confiance à la parité et pensent que c’est une affaire des occidentaux.
Celle-ci suggère aux chefs coutumiers de passer aussi le pouvoir coutumier du père à la fille et non toujours du père au fils comme accoutumé.
Nanzige suggère à différents partenaires de multiplier les sensibilisations auprès des autorités coutumières pour qu’elles donnent la chance à la femme d’être représentée dans les instances administratives de kavumu, mais aussi aux parents de ne pas privilégier seuls les enfants garçons en famille mais aussi les filles car tout commence dans la famille.
Sur les quatorze groupements qui composent le territoire de kabare, seules deux femmes sont cheffes des groupements ; aussi de la lignée du mwami dont la sœur et la mère du mwami kabare.
Pour essayer de relever ces défis de non implication des femmes dans l’administration, certaines femmes ont été nommées dans l’administration du groupement de bugorhe, par le nouveau chef de groupement, mais sont nommées à des postes les plus bas de ce groupement les empêchant à la bonne prise des décisions.
Madame Mapendo Kahulizo caissière du chef du quartier Cirato nous témoigne son cas.
« J’ai été voté comme caissière du quartier depuis 2019, mais depuis cette année jusqu’à aujourd’hui, je ne suis impliqué dans aucun programme, seuls les hommes votés sont en service”, révèle-t-elle.
“Je participais à toutes les réunions convoquées par le chef de quartier et les nyumba Kumi (Chef d’avenues) avant, mais quelques mois après certains hommes commençaient à me discriminer et ne voulaient plus de moi dans leurs réunions suivantes”, regrette-t-elle.
“Peu à peu, je commençais à être découragée et j’ai jugé bon de rester chez moi sans participer aux activités du bureau du quartier. Actuellement je laisse les hommes dirigés comme ils veulent”, explique-t-elle.
Mapendo Kahulizo suggère qu’il y est une sensibilisation des chefs coutumiers et que les hommes sachent que les femmes peuvent aussi diriger mais que ce dialogue se passe à l’amiable pour privilégier la collaboration entre les deux parties.
Pourtant, la loi encourage la participation de la femme
Contacté à ce sujet, le Caucus des femmes congolaises pour la paix du Sud-Kivu, à travers son secrétaire exécutive, Solange lwashiga, indique que sa structure a déjà eu des échanges avec les autorités coutumières et les chefs des villages. Le but étant de leur montrer la nécessité d’impliquer les femmes dans la gestion de la chose publique et dans différentes instances administratives dans le territoire Kabare.
Par ailleurs, Solange Lwashiga recommande aux autorités coutumières de respecter les lois du pays en matière de représentation des femmes dans différentes instances du pays.
« L’article 14 de la constitution de la République démocratique du Congo a consacré l’égalité entre tous les congolais ; mais aussi la résolution 1325 qui parmi ses piliers parle de la participation de la femme aux processus de prise de décision. Ce sont les autorités qui ont la décision et la dernière parole. Si le mwami (roi traditionnel) décide de nommer une femme au poste de chef de village, personne ne peut contester cette nomination. Les entités coutumières ont plusieurs possibilités car je connais un groupement dirigé par quelqu’un qui n’est pas de la lignée coutumière, pourquoi ne pas inclure aussi les femmes dans les instances administratives selon sa compétence?”, s’interroge Lwashiga.
“Nous demandons aux autorités administratives de respecter la loi en cas de nomination. Qu’elles récoltent des informations sur les compétences des hommes et femmes car, les femmes aussi peuvent accéder au pouvoir et faire la différence », insiste-t-elle.
Selon le juriste Mugisho Zagabe Japhet, la constitution garantie la mise en œuvre de la parité homme femme. “Mais l’Etat ne confère pas à la femme le droit à la parité dans différentes instances de la république. Cela reste un sérieux problème pour les défenseurs des droits de l’Homme”, indique-t-il.
Pourtant, selon la loi, la femme a droit à droit à une représentation équitable au sein de toutes les institutions du pays, y compris coutumières.
« Comme cette représentation n’est pas effective, toute femme peut se plaindre pour violation d’un droit constitutionnel. Dans le cas précis, il revient à la femme de Kavumu d’en porter à la connaissance de l’autorité publique de la place pour voir si réparation peut être faite. Mais également obliger tous les intervenants dans cette chaîne administrative pour qu’à la longue les affectations qui suivront tiennent compte de cet aspect des choses » renchérit maître Mugisho Japhet.
Consulter à ce sujet, le chef de groupement de bugorhe, Joyeux Kalibanya, signale que les efforts sont en marche pour que la femme de bugorhe soit suffisamment représentée dans différentes institutions administratives de son groupement.
« J’ai récemment pris le pouvoir, mais dans mon groupement je gouverne avec des femmes car je sais leur compétence. Je suis coutumier, mais je n’ignore pas la loi, les femmes doivent aussi avoir une place dans les instances administratives et j’ai déjà débuté car moi-même je compte nommer des femmes comme cheffes des différents quartiers de Bugorhe», affirme-t-il.
Entretemps, le chemin pour la représentation de la femme dans les instances de décision à Kabare reste long. Pourtant, la présence de la femme dans différents services peut contribuer à un meilleur développement du milieu.
Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada

Barack Kalimbiro

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