Société

Kabare : La distance vers les tribunaux décourage les victimes de violences sexuelles à saisir la justice

Plusieurs dossiers sont abandonnés par les survivantes des violences sexuelles de Birava en territoire kabare au nord de la ville de Bukavu. Cela est, entre autres, lié à la distance qu’elles parcourent pour comparaître devant le tribunal de Kavumu, situé à plus de 30 kilomètres de leurs résidences.

Birava enregistre au moins cinq cas de violences sexuelles par mois. “Certains bourreaux restent impunis car les victimes abandonnent souvent les dossiers avant que le jugement soit rendu”, affirme Kabuha Dieudonné, greffier du tribunal de grande instance de Kavumu.

Riziki, fille âgée de 16 ans,  habite Birava Murama dans le  groupement de Bushumba.  Elle a été victime d’un viol en janvier 2021 et son bourreau d’une vingtaine d’années, père de deux enfants, a été arrêté. Mais suite à l’abandon du dossier par ses parents avant le jugement, il  a été libéré.

«Je suis tombé enceinte. Après trois mois, quand mes parents s’en sont rendu compte, ils m’ont  demandé de dire qui en était l’auteur », relate Riziki.

« Ma famille avait appelé l’auteur pour un dialogue, plus de d’une fois mais sans succès. C’est alors qu’elle avait jugé de porter plainte contre lui au commissariat de Birava. Il a été arrêté et transféré au parquet de kavumu deux jours après, J’y ai été appelé accompagné des mes parents pour comparaître. Nous avons été entendus deux fois par l’officier de police. Les autres fois, on arrivait chez lui sans comparaître. Chose qui commençait à décourager mes parents. Ils ont fini par abandonner les poursuites vu qu’ils manquaient l’argent de transports par moment et étaient obligés de parcourir une longue distance à pied”,  explique Riziki avec regret.

« Quelques jours après, le monsieur a été libéré et il est rentré au quartier. Mes parents étaient alors obligés de régler à l’amiable cette affaire. Ce qui a été fait. Depuis, je suis devenu à ses yeux un objet de moquerie. il me regarde avec mépris chaque fois qu’il me croise au quartier », Regrette riziki, la main sur la joue.

Pour Solange Lwashiga secrétaire exécutive du CAUCUS des Femmes Congolaises pour la paix du Sud-Kivu, plusieurs survivantes des violences sexuelles et basées sur le genre  n’ accèdent pas  à la justice à la suite de la distance.

« L’éloignement des cours et tribunaux des justiciables dans certains coins de la province cause d’énormes difficultés aux survivantes pour accéder à la justice », pense-t-elle.

Pour elle, pour qu’une survivante quitte Birava pour  Kavumu, elle doit avoir des moyens économiques pour son déplacement et pour payer un avocat.

« La distance à parcourir, fait que certaines preuves puissent disparaître. D’autres victimes sont en danger car elles peuvent arriver à l’hôpital après 72 heures pour les soins avant les enquêtes ou se faire attaquer en cours de route », poursuit-elle.

Le chef de groupement de Bushumba, Benjamin Cimusa Murhesa, regrette, pour sa part, l’impact négatif de l’éloignement des cours et tribunaux dans son entité.

« Plusieurs dossiers sont abandonnés après même que les bourreaux soient remis au parquet de kavumu”, constate-t-il.

Depuis plusieurs mois, Benjamin Cimusa mène  les plaidoyers pour que certains partenaires en la matière accompagnent ces victimes jusqu’à ce que justice soit rendue.

Pour résoudre tant soit peu le problème de distance, une unité spéciale de la police a été installée à Birava depuis 2018. L’Escadron de protection de l’enfant et prévention de violence sexuelle (EPPEVS) connait malheureusement des difficultés de fonctionnement. “Il y a le manque de bureau, l’insuffisance des personnes formées en matière de violences sexuelles en plus de ça, le manque de mobilité (transport) pour transférer les bourreaux au parquet de kavumu”, nous explique l’officier de police judiciaire de la PPEVS birava Bonheur Shamavu.

D’autre part, les tribunaux organisent également des audiences foraines consistant au déplacement du tribunal vers des milieux ruraux non desservis. Mais ces audiences dépendent généralement des appuis des ONG qui œuvrent dans le secteur de la justice.

“Mais il y a des exigences de ces partenaires qui accompagnent de tels dossiers, qui exigent plus de 20 dossiers avant de faciliter l’organisation des audiences  foraines pour les dossiers prévenants des coins éloignés du Tribunal Kavumu”, explique Kabuha Dieudonné, greffier au tribunal de grande instance de Kavumu.

Pour rappel, le gouvernement de la RD Congo s’est engagé à éliminer toutes les formes de violences sexuelles à l’égard de la femme et lutter contre l’impunité des viols. Les pouvoirs publicsprennent des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée”, souligne l’article 14 de la Constitution.

Solange Lwashiga invite ainsi le gouvernement à adopter des mesures pour faciliter l’accès des survivantes à la justice, particulièrement celles des milieux ruraux.

Munguashuza kalimbiro Barack

Cet article a été produit en collaboration avec l’ONG Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui de GAC

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page