Santé

Sud-Kivu : L’hypocrisie de nos jours se traduit-elle en « aimons-nous vivants » ?

” On connaît la valeur du sel quand il n’y en a plus, et celle d’un père après sa mort ”. Ce proverbe indien est devenu une réalité sociale en République Démocratique du Congo où la reconnaissance et le respect de tout genre sont rendus justes après la mort de certaines icônes au pays. Une réflexion de Blaise Bulonza, un fils du Sud Kivu. Il l’a faite après les obsèques de l’artiste chanteur Aganze 1er dit Kahu.

Il s’agit des artistes, des notables, des personnalités publiques, politiques, et bien d’autres qui sont décorés, la plupart des fois à titre posthume avec des cérémonies funéraires fallacieuses.

Blaise Bulonza montre que le gouvernement comme les proches ainsi que les connaissances des illustres disparus se mobilisent en fonds et en matériels pour leur offrir des adieux dignes et majestueux.

Pourtant, de leur vivant, l’on ne pouvait même plus, ne fut-ce que s’imprégner de leurs nouvelles, encore moins de leurs peines et joies.

Les exemples sont légions, mais le cas le plus récent est celui de l’artiste musicien Bashengezi KAHU, connu sous le nom d’Aganze Premier décédé mardi 20 juin 2023, dans sa demeure de Kinshasa.

Cette légende de la musique folklorique de la communauté Shi (au Sud-Kivu) de renommée internationale a vécu les vicissitudes comme tout humain de son vivant. « La Bourgeoisie, la galère ont dessiné aussi son passage sur terre », indique Bulonza révélant que sa vie dans la capitale congolaise n’était pas aussi rose que ça et beaucoup de gens l’observaient sans lui apporter une aide nécessaire pour s’en sortir.

Nonobstant, à l’annonce de sa mort dans des conditions peu déplorables, l’on assiste à une liesse de contributions de toutes sommes pour l’organisation des cérémonies funéraires honorifiques.

Aganze 1er n’est pas le seul à recevoir des hommages de la sorte.

L’artiste danseuse, chanteuse, auteur-compositrice et ex-députée, Élisabeth Tshala Muana Muidikay, décédée le 10 décembre 2022 à Kinshasa, a subi les mêmes pratiques.

Cette autre icône fut l’une des figures de la musique congolaise, et parmi les rares femmes, dans un milieu dominé par les hommes, à atteindre un tel succès au monde entier. Les honneurs et soutiens sont venus malheureusement quand elle s’est éteinte. 

La solidarité africaine dont les blancs ne cessaient de vanter la portée sociale, le « ujamaa » : être en famille, des pionnées du panafricanisme, le « Aimons-nous » qui est devenu un slogan actuel mais creux ne sont plus au rendez-vous dans la société congolaise.

Que pense l’opinion de Damien Sezibera encore en vie ?

« Un autre cas qui devrait attirer notre attention soutenue est celui de Damien Sezibera », avertit le jeune Blaise. Son ami est actuellement interné dans une structure sanitaire au niveau de la commune de Kadutu.

Tout le monde connaît les talents et valeurs qu’il a transmis à nombreuses personnalités de notre province, voire de notre pays. Mais, au moment où il est en train de souffrir, personne n’ose lui apporter un quelconque appui. Si par malheur il lui arrivait un sort désagréable, nous verrons tous ceux qui se disent notables, autorités, membre de mutualités et autres organisations se mobiliser en un seul homme pour lui réserver des témoignages, des cérémonies funéraires de marques avec toutes formes de contributions signées au nom de tel ou telle.

Ces quelques cas de figure nous permettent de comprendre ce qu’est devenue notre société. A quoi bon de fuir la vie pour sauver la mort ? Si on assistait une personne de son vivant, on pourrait probablement l’épargner d’une mort précoce, et ce serait un témoignage plus utile.

Mais lorsqu’on abandonne quelqu’un de son vivant pour lui réserver des hommages délicieux à sa mort, c’est une autre façon de se moquer de son existence et cela devient inutile.

Sans se prétendre juge des autres ou donneur de leçons, Blaise Bulonza aimerait ici interpeller ses compatriotes dans le but de raviver leurs valeurs qui semblent être rejetées par les contemporains. Retournons à notre solidarité africaine, à l’ujamaa et gardons au cœur cet adage qui dit : Aimons-nous vivants.

Pour l’analyste Blaise Bulonza, il n’est jamais tard pour revenir à la raison. « Il est inutile de vanter nos adages, nos mutualités, notre foi moins encore nos origines si en pratique nous restons inertes les uns envers les autres », regrette-t-il en lançant pour ce faire un vibrant appel à tous les compatriotes de toutes les générations confondues à vivre les valeurs africaines, chrétiennes et surtout celles des bantus. Aimons-nous vivants.

  • Egide Kitumaini

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